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pinasse

Le 27/08/2024

Dans le langage des marins

Bien que l'usage des pinasses sur le bassin d'Arcachon soit très ancien, il n'existe pas de document écrit mentionnant formellement ces embarcations avant une allusion dans des documents de 1553 et 1556. 

En 1708, Claude Masse, ingénieur militaire du roi Louis XIV, sera missionné par ce dernier pour découvrir la côte Atlantique et en faire un descriptif précis. Il évoque dans le mémoire qui accompagne sa carte du bassin d'Arcachon des petits bateaux « que les habitants appellent pinasses, qui ont 15 à 16 pieds de long sur 4 à 5 de large. ».

Claude Masse, cartographe du Roi

Il faut attendre 1727 pour que François Le Masson du Parc, commissaire ordinaire de la Marine et inspecteur général des pêches du poisson de mer, s'intéresse aux différentes pêches qui se pratiquent sur le littoral. Il rencontre des pinasses sur le littoral des Landes de Gascogne et sur le bassin d'Arcachon. Il observe, note et décrit les techniques de l'époque. Il précise que certaines pinasses possèdent un mât et une voile.

Deux types de pinasses sont décrites : une petite de 6,50 mètres, sans gouvernail, manœuvrée à la rame par ses deux occupants et une plus grande d'au moins 7 mètres comportant deux bordés de plus, dotée d'un gouvernail, mue à l'aviron et sous voile. Bien que l'administration interdise aux pinasses de sortir du bassin d'Arcachon, les grandes pinasses font concurrence aux chaloupes de pêche et sortent en pleine mer pour pêcher. Dans les années 1860, les premiers ostréiculteurs modernes utilisent eux aussi la pinasse. La différence de taille entre les deux types d'embarcation se traduira dans l'introduction du vocabulaire local par l'appellation de "pinassotte", terme qui sera adopté officiellement en 1909, pour les plus petites.

Le recensement exact des embarcations sera possible à partir du début du XIXe siècle. Ainsi, le quartier de l'inscription maritime de La Teste-de-Buch couvre un territoire allant de Lacanau à Mimizan.

MRB page 32 n° 585 août 2012

 

De la voile à la vapeur

Il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour avoir de véritables descriptions de pinasses et des plans détaillés. Les pinasses de cette époque possèdent désormais un gouvernail, ainsi qu'un mât mobile et inclinable longitudinalement et latéralement. Les bordages sont toujours assemblés à clin. C'est précisément à cette époque que les pinasses traditionnelles vont évoluer. 

C'est surtout la motorisation intervenant au début du XXe siècle qui constitue le plus grand bouleversement dans la structure des pinasses. On est passé en quelques décennies d'une embarcation rustique sans clou, ni gouvernail, ni quille, construite à clin, chevillée de bois et propulsée par le vent ou à rames, à une embarcation motorisée avec quille, quilles d'angles, safran articulé ou non, élargie, ayant un bordage à feuillure et des râblures à l'étrave et l'étambot.

La motorisation se développe massivement après 1905-1906, d'abord pour les résidents les plus fortunés puis, jusqu'en 1913, pour la presque totalité des pinasses de pêche d'Arcachon. 

La première pinasse à moteur, Libellule est mise à l'eau en 1903. Fonctionnant alors au pétrole lampant, ces pinasses sont désignées sous le nom de « pétroleuses ». Leur taille et leur robustesse tendent à grandir de plus en plus pour accueillir les quelque 250 kg des premiers moteurs à combustion interne. Elles atteindront une douzaine de mètres pour certaines, embarqueront de huit à douze hommes ainsi que trois à cinq doris pour la pêche à la sardine, et seront partiellement pontées. Le succès des pinasses à moteur, en premier lieu pour la pêche à la sardine, ne se fait pas attendre : on compte 76 pinasses à moteur construites dans la seule année 1908.

La « pétroleuse » à hélice relevable devient, pour des décennies, l'outil de prédilection des ostréiculteurs. L'administration, et notamment la marine nationale, les douanes et les ponts et chaussées, s'intéressent également aux pinasses et en commandent régulièrement à divers chantiers navals.

La pinasse, un outil de travail pour la pêche traditionnelle

Jusqu'à la fin du XXe siècle, la pinasse a conservé son utilité pour les professionnels de la mer. Les pinasses sardinières parcouraient la côte du Pays Basque au Pertuis jusque dans les années 1930, où elles ont été remplacées par des gros canots à moteur pratiquant également la pêche au thon au large et le chalutage côtier. La pêche à la senne subsiste jusqu'à la fin des années 1970. Les pinasses côtières disposaient une senne pouvant faire jusqu'à 280 m de longueur, qui, une fois disposée en arc de cercle à proximité de la côte, était tirée depuis la terre prenant au piège les poissons.

   Avec le concours d'un ami, Jean Robert Lalanne, fils de pêcheur de La Teste, a réalisé un film de 26 mn pour faire revivre une pêche disparue, pratiquée sur le bassin d'Arcachon

Les pétroleuses tiraient des dragues à coquille et des petits chaluts, avant que cette pratique ne soit interdite à la fin du XXe siècle.

La pêche à la « jagude », au filet fixe ou dérivant localement appelé "tramail" (car trois tailles de mailles y constituent des poches piégeantes) est toujours pratiquée, mais les embarcations plates à moteur ont remplacé les « pinassottes »

La pinasse, un outil de travail pour l'ostréiculture

Les ostréiculteurs, plus communément appelé "parqueurs", ont utilisé principalement les pinasses à moteur jusqu'à la fin des années 1960. Les huîtres étaient alors élevées à même le sol des parcs, concédés à bail par l'Administration maritime. 

Pinasses de promenades et de plaisance

Avec l'arrivée du chemin de fer en 1841, les premiers touristes se sont déversés sur les côtes du pays de Buch. La promenade payante en pinasse devient une véritable activité pour les marins. Les touristes sont promenés de La Teste-de-Buch vers Arcachon, puis le long des plages et vers les parcs à huîtres. La concurrence des « bateliers » s'est fait sentir à partir des années 1950 et les bateaux de promenades sont souvent des embarcations modernes

Quelques pinasses vont devenir des embarcations de plaisance au cours du XXe siècle. De plus en plus équipées d'un confort moderne, elles constituent l'essentiel de celles que nous rencontrons de nos jours sur les ports du bassin d'Arcachon. Pour la construction des pinasses modernes destinées à la plaisance, on a parfois recours à l'emploi de matériaux composites et de bois exotique (teck, acajou), en utilisant moins du bois de pin de la forêt locale mais leur silhouette caractéristique subsiste et caractérise bien la flotte du Bassin d'Arcachon.

Balade en pinasse depuis le Cap Ferret

Régates de pinasses à voile

La navigation des pinasses est une navigation sportive. En effet, toutes les manœuvres se font à la main sans poulie, ni palan et à chaque virement de bord, la voile est affalée, passée sur l'autre amure et renvoyée, le mât levé et incliné au vent. Le mât n'est pas haubané et ne tient qu'en deux points : par la drisse de la voile et par son emplanture. Chaque année, les régates d'été de pinasses à voile sont organisées dans les différents villages du bassin d'Arcachon.

Arcachon : la pinasse "Bleu de mer" remporte le championnat du monde des pinasses à voile

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